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OBSERVATEUR DU MONDE RUSSE
12 octobre 2020

RUSSIE, IRAN, ARMÉNIE : L'OBSTACLE AUX PLANS DE GRANDE TURQUIE

"Il n'y a aucun doute que si l'armée azerbaïdjanaise était entrain d'avancer victorieusement, la négociation sur un cessez-le-feu n'aurait tout simplement pas eu lieu", a déclaré Aleksandr KRYLOV, scientifique en chef de l'IMEMO (Institut de l'économie mondiale et des relations internationales) de l'académie des sciences de Russie, président de la société des experts en sciences du Caucase, dans une entrevue au site d'information de la communauté arménienne en Russie "Golos Armenii (la voix de l'Arménie)" :

 

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- Monsieur KRYLOV, comment commentez-vous l'accord de cessez-le-feu conclu dans la zone du conflit du Karabakh du 10 octobre ? Quelles sont vos prévisions pour l'évolution future des négociations et pensez-vous que les hostilités reprendront à grande échelle ?

- L'accord conclu à Moscou est le résultat des efforts de la diplomatie russe avec la participation de la France et des États-Unis (les deux autres coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE). Cependant, le rôle principal, dans ce cas, n'a pas été joué par les efforts des diplomates, mais par le fait qu'après deux semaines de combats, une chose est devenu évidente : la tentative de résoudre le problème du Karabakh par une Blitzkrieg rapide et victorieuse a échouée. Il ne fait aucun doute que si l'armée azerbaïdjanaise avait été victorieuse, aucune négociation de cessez-le-feu n'aurait tout simplement eu lieu.

L'Azerbaïdjan et la Turquie se préparaient à une offensive depuis de nombreuses années. Dans la zone d'opération on concentrait un puissant groupe d'armées équipé des armes les plus modernes. Il surpassait de loin les forces arméniennes dans le secteur du Karabakh et les dirigeants azerbaïdjanais et turc avaient toutes les raisons de s'attendre à une victoire rapide et décisive. Cependant, à la suite de combats acharnés, la Blitzkrieg a échoué, les hostilités se sont prolongées et le commandement azerbaïdjanais a maintenant besoin de temps pour ajuster ses plans et se préparer à une guerre plus longue.

Les dirigeants de l'Azerbaïdjan et de la Turquie ont exprimé pendant de nombreuses années un mécontentement extrême face au déroulement du processus de négociation et aux activités des coprésidents du groupe de travail intergouvernemental de l'OSCE, qui n'ont pas été en mesure de satisfaire la demande de Bakou de reprendre le contrôle du territoire de la région du haut-Karabakh. En conséquence, Ankara et Bakou ont déclaré que le processus de négociation n'avait plus de sens et que le problème du Karabakh serait résolu par des moyens militaires. Dans la société turque et dans la société azerbaïdjanaise, ont depuis longtemps été implantés des sentiments radicaux et belliqueux, de sorte que le rejet de la solution de militaire et le retour au cadre du processus de négociation pacifique provoqueront une réaction extrêmement négative pour les présidents de l'Azerbaïdjan et de la Turquie. Il y avait donc au départ de grands doutes quant au respect de l'accord de cessez-le-feu et, malgré la diminution de l'intensité des combats, la validité de ces doutes est corroborée par des informations régulières faisant état de la poursuite des bombardements sur des localités des deux côtés de la ligne de front.

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Pour Bakou, la conclusion de l'accord revêt avant tout une importance dans sa propagande. Cela donne l'occasion d'expliquer l'échec du Blitzkrieg par la "trahison des arméniens", qui auraient profité de la paix concédée par Bakou, auraient violé la trêve et ainsi changé la situation en leur faveur. Dans le même temps, les troupes azerbaïdjanaises se sont regroupées et remises en état de préparation à une nouvelle offensive. Diverses sources font état de livraisons importantes d'armes et de munitions en provenance de Turquie et d'Israël à l'Azerbaïdjan, ainsi que de transit à travers le territoire turc depuis la République du Biélorussie. En outre, Le service de renseignement extérieur de la Russie et les services spéciaux d'autres pays ont enregistré le transfert sur le front du Karabakh d'un grand nombre de militants de diverses organisations terroristes. La même chose a été mentionnée dans une récente déclaration officielle du président syrien Bachar Al-Assad. Tout cela montre qu'à Ankara et à Bakou, l'espoir d'une nouvelle offensive sur le front du Karabakh continue de se maintenir. Il est évident que si les États coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE parviennent pas à trouver des moyens efficaces pour convaincre Bakou du caractère inadmissible d'une solution militaire au problème du Karabakh, il faut s'attendre à une nouvelle offensive azerbaïdjanaise sur le front du Karabakh dans les prochains jours.

 

- Les médias turcs ont appris que le 29 octobre de cette année (jour du 97e anniversaire de la République Turque) se réunira à Bakou le conseil des États turcophones, au cours duquel il est prévu de signer l'accord sur la création de l'armée unie de Touran. C'est une autre nouvelle menace, n'est-ce pas?

- L'idée du grand Touran (pays de langue et culture turcophones) trouve une réponse parmi les peuples turcs et apparentés, le président Erdogan la promeut obstinément dans tous les domaines possibles, y compris militaires. Ce projet pourrait obtenir une accélération supplémentaire si le problème du Karabakh était résolu avec succès par la force, ce qui conduirait non seulement au renforcement des positions de la Turquie dans le Caucase du Sud, mais ouvrirait également la possibilité d'une nouvelle expansion vers l'est à travers la Caspienne. Les victoires militaires ont toujours une grande influence sur l'opinion publique, elles contribuent à la popularité croissante des leaders victorieux, attirent de nouveaux partisans que ce soit en interne ou à l'étranger. Pour la Russie, la promotion du projet "Grand Touran" est lourde de nouveaux défis de sécurité. De nouvelles menaces obligeront Moscou à ajuster en conséquence sa politique antérieure vis-à-vis de la Turquie et sa politique antérieure de "pondération" et d'"équidistance" vis-à-vis de son allié stratégique, l'Arménie, et de son partenaire stratégique important, l'Azerbaïdjan. La stabilité et la sécurité dans le "ventre Sud", vulnérable, de la Russie dépendent de la rapidité avec laquelle des moyens efficaces pour neutraliser les nouvelles menaces à la sécurité russe seront trouvés. Il est évident que la poursuite par Moscou de l'ancienne politique créerait une situation favorable non seulement à un accroissement de l'influence de la Turquie, mais également à une intensification des actions des organisations terroristes internationales en Russie et dans les territoires frontaliers avec elle.

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- Quel est l'intérêt de l'Occident dans la région du Caucase du Sud, compte tenu de l'intervention ouverte de la Turquie dans l'agression militaire de l'Azerbaïdjan contre l'Artsakh et du fait que la Turquie est un pays de l'OTAN ?

- Ces dernières années, dans un contexte de problèmes politiques internes croissants, la politique des États-Unis et de l'UE dans le Sud du Caucase devient de plus en plus chaotique et imprévisible. Mais en général, la politique de l'Occident en général dans le Caucase du Sud continue de suivre la stratégie visant à "contenir" la Russie et à bloquer les processus d'intégration dans l'espace post-soviétique. À l'heure actuelle, les États-Unis et l'UE ont considérablement réduit le degré de leur propre implication, en fait, ils ont donné à Erdogan une totale liberté d'action dans cette région. Ainsi, ils cherchent à diriger l'expansion turque vers l'Est, à faire de la politique européenne, Nord-africaine et du moyen-Orient une priorité secondaire pour Erdogan.

Pour les États-Unis et Israël, l'expansion turque offre l'occasion de résoudre le problème iranien par la sécession de "l'Azerbaïdjan du Sud" avec l'effondrement ultérieur de l'État iranien. Pour les dirigeants israéliens, cette évolution ne semble pas moins attrayante que les avantages financiers de la fourniture de systèmes d'armes modernes à l'Azerbaïdjan. C'est pourquoi aujourd'hui, Israël est un allié important de l'Azerbaïdjan dans la résolution par la force du problème du Karabakh et un allié de la Turquie dans la construction du grand Touran.

Il est évident que les alliés naturels pour contrer les plans du grand Touran sont l'Arménie, l'Iran, la Russie et les États d'Eurasie qui ne sont pas prêts à renoncer à leur indépendance au nom de la construction du Grand Touran. La diaspora arménienne vivant dans différents pays du monde peut jouer un rôle important dans la lutte contre l'expansion turque. Ces dernières années, des déclarations ont souvent été faites selon lesquelles "ensemble, nous, les arméniens, sommes une nation mondiale. Et pour la nation mondiale, il est temps d'agir de manière décisive." Dans une situation militaire où la menace d'extermination massive des arméniens d'Artsakh est devenue une réalité, les appels à l'unité de la nation mondiale, à sa transformation en un acteur indépendant et influent sur la scène internationale deviennent particulièrement pertinents.

 

Source :

https://golosarmenii.am/article/97361/rossiya--iran--armeniya---zaslon-velikoturanskim-planam

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