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OBSERVATEUR DU MONDE RUSSE
2 décembre 2020

Reportage parmi les volontaires arméniens dans le Haut-Karabakh.

L'agence de presse russe RIA-Novosti a fait un reportage dans le Haut-Karabakh (Artsakh) sur les combattants volontaires venus soutenir l'effort de guerre arménien et défendre cette jeune République. Je l'ai traduit pour les lecteurs francophones :

 

Arménie, Russie, France, Croatie et autres pays... Dans les tranchées de la deuxième guerre du Karabakh, des arméniens du monde entier se sont battus côte à côte avec les locaux. Beaucoup sont des vétérans du premier conflit, mais il y avait aussi pas mal de jeunes. Maintenant que les tirs dans la région ont cessés, ils ne sont pas pressés de rentrer chez eux.

 

La terreur des drones

 

Le costume le plus populaire à Stepanakert ces dernières semaines est le camouflage "Pixel" brun-jaune-vert. C'est le même dans l'armée arménienne et dans l'armée de défense de l'Artsakh. Cet uniforme a également été attribué à de nombreux volontaires.

Après avoir quitté les tranchées et les abris, ils marchent, maintenant, en groupe dans le centre de la capitale de la République non reconnue. Ils se pressent sur la place près du bâtiment du gouvernement. Ils fument, les unes après les autres, des cigarettes, font la queue pour du thé et des "doshirak" (nouilles instantanées agrémentées de légumes d'origine coréennes très répandues dans tout l'espace post-soviétique - NdT)  dans les épiceries. Tout le monde parle de la guerre. À la question de savoir pourquoi ils ne rentrent pas chez eux, ils répondent succinctement : "Nous attendons la suite".

Arman Garayan

"Je suis arrivé ici le deuxième jour des combats avec mes deux frères", raconte à RIA Novosti Arman Garayan, un arménien barbu entre deux ages. Les 18 dernières années, il a vécu avec ses deux filles à Moscou. Le troisième frère est resté là-bas, s'occupe de la famille et participe à l'envoi de l'aide humanitaire vers l'Artsakh. Au début, je me suis battu dans le Nord, et à la fin, mon unité a été transférée aux alentours de Chouchi. C'est là que j'ai réalisé ce qu'est un vrai cauchemar. L'ennemi était plusieurs fois plus nombreux. Ils attaquaient par vagues. L'une était repoussée, alors, ils reculaient, et ensuite ils en envoyaient une autre. Mais la chose la plus terrible dans cette guerre, c'est quand on a dans les mains seulement Kalachnikov, et qu'on voit voler des drones armés. Ce qui m'a sans doute sauvé, c'est qu'avec mes camarades de combat on déplaçait en voiture. Les drones visaient principalement des camions militaires avec du personnel. Beaucoup de nos frères sont morts sous leurs tirs."

Tous les volontaires affirment que ce sont les drones armés achetés à la Turquie et à Israël qui ont donné aux troupes azerbaïdjanaises un avantage décisif. On ne les voit pas, on ne les entend pas et il n'y a pas de salut face à eux. Si le drone nous est déja tombé dessus, on a aucune chance. C'est plus facile avec les armes de barrage. À l'approche, il laissent s'échapper un bourdonnement et il y a quelques secondes pour se réfugier dans la tranchée. Cependant, les volontaires ont inventé une technique non-conventionnelle pour se protéger, au moins partiellement, de la menace du ciel. Ils ont brûlé des centaines de pneus de voiture à l'écart de leurs positions, trompant ainsi les caméras thermiques un peu trop sensibles des drones.


Ils se sont, non moins ingénieusement, sauvé des saboteurs. La nuit, la visibilité dans les montagnes est presque nulle : brouillard sombre et dense. Afin de détecter à l'avance les groupes d'infiltration des azerbaïdjanais, les combattants ont semé des chips devant les positions. Et on s'assis, on écoute. L'ennemi est proche, on déclenche l'alarme.


Une répartition inégale


À la question de savoir pourquoi le Karabakh n'a pas été transformé en une forteresse avec des bunkers, des champs de Mines, des zones fortifiées et un système d'alarme moderne depuis la première guerre, depuis près de trente ans, les volontaires ne peuvent évidemment pas répondre. Ils hochent seulement la tête sur les autorités arméniennes, qui n'ont pas gâté la région en soutien financier.

En fait, la seule chose que l'armée de défense du Karabakh a vraiment bien établie, c'est l'interaction des unités d'artillerie. Ce sont les batteries d'obusier, qui ont réussi à s'enterrer et à tirer sur des repères de terrain, qui ont causé aux troupes azerbaïdjanaises le maximum de dégâts en personnel et en équipement.

Parmi les artilleurs, il y a aussi beaucoup de volontaires. Par exemple, Narek Djaninyan, 21 ans. Ce gars de deux mètres de haut est venu d'Erevan en Artsakh. Avec derrière lui, deux ans de vie en Espagne, pour des études de traducteur de l'espagnol vers l'arménien. Et un service militaire dans l'artillerie. Pendant la guerre, il défendit Martakert.

Narek Djaninyan

"Je n'ai pas encore oublié comment utiliser le télémètre et la boussole, explique Narek. C'est pourquoi j'ai été immédiatement affecté dans l'artillerie de reconnaissance. Mes camarades sans expérience militaire, qui étaient majoritaires dans les tranchées, étaient principalement nommés tireurs ou porteurs d'obus. Nous avons été commandés par des officiers ayant l'expérience de la première guerre. Je ne pouvais pas rester à la maison. J'ai été tourmenté par l'idée que pendant que je dors dans mon lit, quelqu'un là-bas, sur la ligne de front, garde ma paix. J'ai fait mes valises, j'ai dit au revoir à ma mère, à mon père et je suis parti à la guerre. Je devais déterminer la distance à la cible, ses coordonnées, transmettre des informations sur la position. Attendre la salve, corriger le tir. Nous avions des obusiers D-20, Hyacinthe, Grad. Mais le sentiment ne m'a pas quitté que nous sommes en guerre avec une marée humaine. Nous voyons une colonne : 400 personnels. Nous tirons une salve, puis une autre. Ils se sont dispersés. Et après eux, ils seront deux fois plus nombreux."

Narek confirme également que l'ennemi a marché par vagues, sans compter les pertes. Son camarade de combat, l'artilleur-transmetteur Andreï Nalbanzyan, est sûr: dans les premières lignes ce ne sont pas des azerbaïdjanais. Uniformes dépareillés, physionomie barbue, pick-ups armés et attitude fanatique. Comme deux gouttes d'eaux avec ceux qui se battent depuis près de dix ans contre l'armée syrienne au moyen-Orient.

"Ils débarquent et marchent droit comme des i, comme  des zombies", se souvient Andreï Nalbanzyan. - Comment les nôtres ont éclaté la voiture de tête au lance-roquette antichar ! Au centimètre près. Et le tireur derrière la mitrailleuse n'a même pas réagi. Il a fumé une cigarette et a tiré sur les nôtres de longues rafales. Puis on a eu une pensée : oui, ils sont défoncés ! Puis, lorsque les cadavres ont été fouillés, on a trouvé beaucoup de pilules jaunes qui se dissolvent dans l'eau, comme de l'aspirine effervescente. Notre médecin a dit que c'était une drogue qui permettait de se battre pendant des jours sans sommeil, sans nourriture et sans peur. Mes amis, qui sont entrés dans le combat au fusil à bout portant, ont également noté la résistance inhumaine de l'ennemi. Si vous lui tirez une balle de pistolet-mitrailleur dans l'épaule, il ne remarque même pas, continue d'avancer comme un Terminator. J'en suis convaincu : ce ne sont pas des azerbaïdjanais. Ils ne savent pas se battre comme ça."

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Selon les volontaires arméniens, à l'exception des azerbaïdjanais, ont participé aux hostilités des militants syriens, des commandos turcs et d'autres membres de nations non identifiés : une vraie internationale. Ils disent qu'ils ont même vu des noirs. Djaninyan rappelle : le net a déjà nommé les généraux d'Ankara qui planifiaient l'opération et l'ont ensuite dirigé. Dans le même temps, la plupart des soldats de l'armée de défense de l'Artsakh et des volontaires étaient armés de vieilles kalachnikovs, beaucoup n'avaient pas de gilets pare-balles et la plupart avaient des casques anti-éclats soviétiques mod. SH-68.

"Bien sûr, contre une telle force on ne peut pas résister, - Narek en est convaincu - nous avons perdu la guerre. Et je  ne sait pas ce qui est le plus désolant : des centaines de garçons de 18 ans morts ou des dizaines de milliers d'arméniens expulsés de leurs terres, qui ont perdu tout ce qu'ils ont gagné, qui ont perdu leur toit. On ne sait pas encore qui peuplera ces terres : des azerbaïdjanais ou des militants de groupes terroristes, que la Turquie n'a manifestement pas l'intention d'expulser d'ici".


Les travailleurs de l'arrière


Les volontaires d'Artsakh ce ne sont pas seulement ceux qui se sont battus en première ligne. Même après l'évacuation générale de Stepanakert les 6 et 7 novembre, il y en avait encore qui continuaient à travailler dans la ville. Sur la vitrine d'une boulangerie locale, une affiche en arménien est accrochée: "Gagnons! L'Artsakh ne sera jamais occupé". Son propriétaire, Sergueï Gazarian, n'a pas cessé de travailler, même sous les bombardements les plus violents, quand il semblait que Stepanakert était sur le point de tomber.

Sergueï Gazarian

"Les défenseurs de notre ville avaient besoin de pain et je ne pouvais pas tout laisser tomber et partir", explique — t-il. - C'était effrayant, des obus ont éclaté à proximité. Tout le monde a été évacué de la ville, sauf les militaires, qui se préparaient aux combats de rue. J'ai passé dans ma boulangerie quelques jours terribles où rien n'était clair. Et le 10 novembre, des membres de ma famille m'ont appelé, ils m'ont dit que la guerre était terminée, que des soldats de la paix russes venaient en Artsakh. Il était devenu clair que Stepanakert vivrait."

Boris Grigoryan n'a pas quitté la ville et a combattu sur le front. Il n'y avait pas d'eau chaude à Stepanakert, au milieu des combats. Il est extrêmement difficile de respecter l'hygiène personnelle dans de telles conditions. Selon Boris, il a oublié les coupes de cheveux et a rasé tout le monde à zéro. Souvent sous les bombardements, présentement.

Boris Grigoryan

Le policier Tigran Nersisyan a veillé sur l'ordre public dans la ville pendant les combats. C'est en grande partie, grâce à lui et à ses collègues, que Stepanakert a survécu à la guerre presque sans pillage, bien que personne n'ait évacué les marchandises des magasins abandonnés dans la précipitation et que les poignées de porte aient été verouillées avec des colliers de serrage en plastique ordinaires, faciles à couper avec des ciseaux.

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De tels exemples de courage personnel en Artsakh, il y en  a des milliers. Les arméniens du Karabakh comprennent qu'ils ont perdu la guerre, mais ils sont tourmentés par d'autres questions : pourquoi Erevan n'a-t-il pas introduit des corps d'armée à part entière dans la République non reconnue ? Pourquoi n'a-t-il pas utilisé les systèmes d'armes les plus modernes ? Pourquoi les colonnes de munitions, de nourriture et de médicaments ne sont-elles pas allées en Artsakh ? Pourquoi Nikol Pachinyan a-t-il décidé si tard d'accepter l'aide de la Russie ?

Les autorités arméniennes actuelles n'ont pas encore donné de réponses détaillées à ces questions.

 

Andreï Kots.

 

Sources :

https://ria.ru/20201128/krabakh-1586483194.html

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